Le Syndrome des Ovaires PolyKystiques (SOPK), découvert par les docteurs Stein et Leventhal en 1935, toucherait une femme sur dix en France. Il se caractérise par un déséquilibre hormonal déclenché par une présence excessive de testostérone, l’hormone mâle. Bien que la prise en charge médicale soit souvent tournée vers les difficultés de procréation, d’autres symptômes physiologiques et psychologiques y sont pourtant associés. De l’errance médicale jusqu’à l’estime de soi, Pauline, 30 ans, nous partage son regard sur la maladie.
Le 29/05/2024, par Josépha Le Sourd Le Clainche
En 2021, après plusieurs rendez-vous chez une gynécologue pour des douleurs au ventre, Pauline apprend qu’elle souffre du SOPK. Elle constate des symptômes comme l’hirsutisme, l’acné et des menstruations deux fois par mois. « Je ne savais pas d’où cela venait. Je ne comprenais pas. J’ai consulté une gynécologue qui a fini par me dire que ce n’était pas normal d’avoir ses règles deux fois dans le mois. Elle m’a dit que j’avais sans doute un problème hormonal et qu’il fallait que je fasse deux prises de sang pour voir les taux d’hormones. Les résultats ont montré un déséquilibre. Pour avoir le diagnostic définitif, il a fallu une échographie pelvienne qui a montré des follicules dans les ovaires. L’échographie a révélé un dérèglement » relate t-elle. Pour obtenir cette réponse, Pauline a consulté plusieurs professionnels dont les discours oscillaient entre la banalisation de la souffrance et l’anormalité de son corps.
Une vision étriquée de la pathologie féminine
Les combats pour la reconnaissance de l’endométriose ont permis une prise de conscience des maladies auxquelles seules les femmes pouvaient être confrontées. Loin derrière, le SOPK semble emprunter le même chemin tortueux avant une potentielle reconnaissance. Cependant, rien n’est acquis. Que ce soit pour l’endométriose ou le SOPK, subsiste la suspicion du mensonge, de la simulation ou de l’exagération de la douleur. Le cliché de la femme hystérique reste durablement ancré. « Lorsque j’en ai parlé au gynécologue, je n’ai pas eu l’impression d’être entendue ni d’être comprise. J‘avais l’impression qu’on se moquait un peu de moi. Le « oui vous avez mal au ventre, c’est normal, vous avez des règles abondantes. » Je n’ai pas eu l’impression d’être prise au sérieux. Il a fallu que j’aille plusieurs fois me plaindre de mes douleurs avant qu’on commence à me dire qu’il y avait un souci. Si je n’avais pas insisté, je pense que j’aurais su le diagnostic encore plus tard.»
Avec du recul, elle constate la présence de symptômes dés son adolescence. D’office, des traitements contraceptifs lui ont été prescrits dés l’âge de 13 ans. Par la suite, elle opte pour le stérilet qui n’aura aucun effet, au contraire, « certains symptômes se sont mêmes amplifiés » constate-elle. Lorsque le diagnostic fût posé, elle avait pour consigne de revenir lorsqu’elle voudrait un enfant pour commencer un traitement. « Il ne m’a ni parlé de traitement pour apaiser mes symptômes : les douleurs de ventre, l’acné, les poils, la chute de cheveux. Il n’a pas pensé à mon bien-être personnel, de comment je pouvais vivre avec les choses qui ne me plaisaient pas dans cette maladie. Il a tout de suite pensé « fertilité,enfant » alors que, pour ma part, ce n’était pas ma priorité. Lorsque je suis allée consulter, ce que je voulais, c’était savoir pourquoi je souffrais de cette maladie et ce que je pouvais mettre en place pour m’aider à mieux vivre avec. Je n‘ai pas eu ces réponses-là. » L’organisme de santé Ameli mentionne l’aspect multifactoriel du SOPK malgré des causes peu identifiées. Ces facteurs peuvent être d’ordre génétique ou environnemental. Face à cette absence de réponse, Pauline se tourne alors vers des recherches internet pour en apprendre davantage. Elle observe qu’elle n’est pas seule à chercher des solutions et des définitions pour vivre avec la maladie.
Des ressources sont disponibles telles qu’une liste de professionnels médicaux « friendly » vis-à-vis des pathologies féminines. « J‘ai vu que je pouvais aller voir un endocrinologue et faire un bilan », un traitement à base d’hormones de synthèse lui sera prescrit. Si les symptômes physiques s’apaisent, les effets psychologiques sont en roue libre : « je n‘ai pas du tout aimé prendre des hormones de synthèse parce que je trouvais qu’au niveau de mon humeur, ça n’allait pas. Alors c’est vrai que ça a apaisé les boutons, les poils et la chute de cheveux mais j’étais déprimée tout du long. Je ne me sentais pas bien, je me sentais triste tout le temps. Mon moral et mon estime de moi étaient proches de zéro. » Pauline a arrêté son traitement du fait de ces effets mais également par son aspect particulièrement contraignant.
Un quotidien sur le fil
Le SOPK ne peut être réduit à un accompagnement à la procréation tant il impacte le corps, l’intime et d’autres sphères de la vie quotidienne pour les femmes qui en souffrent. L’accès aux soins est un « parcours du combattant » selon Pauline, qui en autodidacte, a cherché des informations et des réponses par elle-même. « Soit, le traitement te convient et t’arrives à vivre correctement, soit ça ne te convient pas et tu es laissée seule avec toi-même.»
Au fil des mois, Pauline a expérimenté différentes choses afin de trouver un équilibre. « Pour moi, il n’y a pas de solution miracle, juste peut-être, être un peu plus à l’écoute de son corps, de ses besoins et faire le tri de ce que tu veux et ce que tu ne veux pas.» Sans pour autant se priver, elle a revu son alimentation et différents aspects en lien avec son hygiène de vie. Elle connaît les signaux d’alerte et parvient à s’en prémunir. « J‘ai appris à vivre avec. J’ai plutôt la paix pour le moment. Quelquefois, j’ai des petites angoisses lorsque je vois beaucoup de cheveux tomber » décrit-elle.
C’est avec incertitude qu’elle appréhende l’avenir de son SOPK. À l’échelle individuelle, elle a adopté de nouvelles habitudes pour un confort relatif. Ce qui lui convient à elle ne convient pas systématiquement aux autres femmes souffrant de cette pathologie. « Il faudrait espérer une meilleure connaissance scientifique pour avoir une meilleure reconnaissance médicale » souligne t-elle. D’autant plus que cette pathologie présente de nombreux facteurs de risque dont l’apparition de cancers, le diabète ou encore la dépression. Michel Pugeat, endocrinologue, réévalue le nombre de femmes touchées par le SOPK et l’estime entre 15 % et 20 % faisant de cette pathologie un enjeu de santé publique.
Une image de soi et de sa féminité impactée
Les symptômes tels que la chute de cheveux, les poils, la prise de poids, les boutons se confrontent à l’image normée de la femme. Pour Pauline, l’appréhension de son corps et de sa féminité n’allait pas de soi : « les poils sur le visage par exemple, c’est quelque chose qui impacte énormément. Une femme n’est pas censée avoir de poils sur le visage, une femme est censée avoir la peau lisse et être magnifique. Avec le SOPK c‘est loupé ! » Elle révèle avoir ressenti de la honte vis-à-vis d’elle-même et de son corps. Le regard de l’autre est un poids. « Ça a pas mal impacté ma confiance en moi et dans ma désirabilité en tant que femme. » Elle cachait tous les signes physiques qui pouvaient apparaître car ils ne correspondaient pas à l’image de la femme imposée au sein de la société. « Je dépensais énormément d’argent dans les rasoirs, les crèmes épilatoires et tout ce qui pouvait enlever le plus possible de poils. Ça virait à l’acharnement ! Il fallait qu’ils soient enlevés dans la minute ! »
Le SOPK n’échappe pas aux violences psychologiques au sein du couple : « j‘ai eu des compagnons qui n’étaient pas du tout compréhensifs. Ce qui n’a pas aidé pour l’acception de soi. J‘ai eu des reproches du fait que j’avais trop de poils et trop de boutons. C’était violent psychologiquement et difficile à vivre. Depuis, j’ai réussi à en parler avec la personne qui m’avait blessée et j’ai pu m’expliquer avec lui. Il a compris et s’est rendu compte que ses mots avaient été humiliants. Avec la maladie, on peut avoir une estime de soi assez basse. Si la personne avec laquelle on partage son intimité n’est pas très compréhensive, ça n’aide pas » explique Pauline. Ces propos questionnent les clichés véhiculés sur le corps féminin. Si la maladie a pu permettre une tolérance du corps de l’autre, elle apparaît comme un motif exceptionnel d’acceptation de signes physiques qui n’entrent pas dans la norme ou la définition commune de la féminité.
Les mouvements féministes se sont attaquées à l’image de la femme traditionnellement transmise depuis des générations. Parmi les grandes questions, le corps objet devant répondre à des critères physiques précis tend à se fissurer. Pour Pauline, ces luttes « cassent l’image de la femme parfaite et ça fait du bien. On reste des êtres humains ». Les sujets autour des poils, des boutons ou encore des règles sont de plus en plus visibles dans l’espace médiatique, public, artistique ou encore politique. Cette visibilité a encouragé, chez Pauline, une meilleure acceptation de soi et de son corps. Elle évoque le SOPK avec plus de facilité même si parfois, c’est encore difficile. Elle souligne une différence notable concernant les symptômes liés à son apparence : leur atténuation est à l’initiative de son propre choix, non plus en fonction du regard de l’autre ou de la pression collective.
Ressources :
– Asso’SOPK : Association nationale de patients ayant pour but d’agir, d’informer et de sensibiliser sur le sujet du Syndrome des Ovaires Polykystiques.
– Pauline propose à la lecture un article de l’INSERM, « Syndrome des ovaires polykystiques : un problème de sensibilité à l’œstradiol » (2024)
– De nombreux médias luttent au quotidien pour les conditions des femmes et la visibilité des causes féministes . Nous pouvons citer Causette – le site plus féminin du cerveau que du capiton et La Déferlante – la revue des révolutions féministes.
– Pauline alerte également sur les anarques qui peuvent exister. Elle mentionne les compléments alimentaires mis en valeur sur les réseaux sociaux qui se proposent comme des solutions miracles pour guérir le SOPK. Leurs prix sont, de plus, particulièrement élevés.