BILLET
Le 08 avril 2025, par Esther Benezech
Un calme presque sacré règne dans la salle. Les étudiants, concentrés, plongés dans leurs feuilles, s’attèlent à la tâche : l’examen blanc, ultime répétition avant l’épreuve fatidique dans deux mois. Pas un bruit. Pas un souffle plus haut que l’autre. Un silence de cathédrale. Et soudain, comme surgie de nulle part, une voix se fait entendre, claire, mécanique, imperturbable : « Bonjour, comment puis-je vous aider ? » Stupeur. Têtes qui se lèvent. Regards qui se croisent. Non, ce n’est pas un professeur zélé ou un surveillant bienveillant, c’est ChatGPT, que l’une des étudiantes a malencontreusement ou stratégiquement activé, dans l’espoir de bénéficier d’un petit coup de pouce algorithmique.
Loin, bien loin des antisèches griffonnées à la hâte et dissimulées dans des recoins plus ou moins discrets, sous la manche, sur la paume ou, pour les audacieux, sous la cuisse, la triche moderne s’en remet désormais à la technologie. Un nouveau défi pour les surveillants, qui doivent rivaliser d’ingéniosité pour repérer les subterfuges numériques.
La semaine dernière, c’était une montre connectée qui trahissait sa propriétaire, laquelle la consultait avec une ferveur quasi religieuse. L’œil averti du surveillant n’a pas tardé à faire le lien : quand une montre est scrutée plus souvent qu’une copie d’examen, le doute n’est plus permis.
Alors oui, chercher à tricher, c’est un jeu vieux comme le monde. Qui, dans un soupir de lucidité, n’avouera pas l’avoir fait, ou tenté, au moins une fois dans sa vie ? Mais, le jeu est risqué. Très risqué. Car le jour de l’examen officiel, la sanction peut tomber, sévère et implacable : jusqu’à cinq années d’exclusion de tout examen. Et cinq ans, c’est long. Très long.
Cela n’empêche pourtant pas certains d’être grisés par l’adrénaline, séduits par l’idée qu’une intelligence artificielle puisse faire le travail à leur place, et avec brio, si possible. Mais encore faut-il savoir manier l’outil. Car à trop faire confiance à la machine, on oublie qu’elle aussi a ses limites. Une consigne mal formulée ? Et voilà un devoir totalement hors sujet. Un copier-coller un peu trop enthousiaste ? Et l’on retrouve sur la copie non seulement la réponse, mais également la question tapée à ChatGPT. Ambiance.
Mention spéciale à cet étudiant qui, ne comprenant pas les initiales de la consigne, a orienté toute sa dissertation de droit vers un sujet de mécanique. Certes, la confusion des genres peut être originale. Mais rarement récompensée par une bonne note.
Alors, que faire ? Faut-il interdire, surveiller, éduquer ? Peut-être un peu de tout cela. Car si l’intelligence artificielle s’invite à l’examen, c’est bien à l’intelligence tout court, humaine, critique, responsable, de rester maîtresse du jeu.